La conduite sous CBD
Rappels sur les produits stupéfiants, le THC et le CBD

Il n’existe pas de définition stricte du stupéfiant : un produit est regardé comme un stupéfiant lorsqu’il est inscrit sur la liste des stupéfiants établie par le pouvoir réglementaire.

Le Conseil constitutionnel, dans une décision en date du 7 janvier 2022, est venu préciser que les stupéfiants correspondent à « des substances psychotropes qui se caractérisent par un risque de dépendance et des effets nocifs pour la santé ».

Le cannabis est notamment constitué de tétrahydrocannabinol (THC) et de cannabidiol (CBD).

Le THC et ses dérivés sont classés sur la liste réglementaire des stupéfiants. Le CBD n’est pas considéré comme un produit stupéfiant.

Le THC et le CBD sont difficilement séparables : il existe donc toujours des traces de THC dans le CBD.

La vente de CBD est légale en France si le taux de THC ne dépasse 0,30% (ce taux était auparavant de 0,20%, et il a été relevé à 0,30% par un arrêté du 30 décembre 2021).

Ainsi, consommer du CBD revient à consommer une infime dose de THC, et en cas de test, le dépistage qu’il soit salivaire ou sanguin pourra s’avérer positif.

Se posait dès lors la question de savoir si un conducteur qui a consommé du CBD avec un pourcentage de THC inférieur au seuil légal de commercialisation (0,30%) pouvait être poursuivi sur le fondement de l’article L235-1 du code de la route pour conduite après avoir fait usage de stupéfiant ?

La position de la Cour de cassation était attendue depuis longtemps sur cette question du CBD au volant.

Les juges du fond (tribunaux correctionnels et cours d’appel) étaient divisés sur cette question : certains condamnaient, quand d’autres, au contraire, relaxaient les conducteurs qui démontraient avoir fait usage de CBD (en produisant par exemple une facture du produit acheté et consommé, ou les résultats d’une analyse sanguine…).

La chambre criminelle de la Cour de cassation a tranché le débat dans un arrêt rendu le 21 juin 2023 (n°22-85530).

Le délit de conduite après avoir fait usage de stupéfiants – Article L235-1 du code de la route

L’article L235-1 du code de la route réprime la conduite après avoir fait usage de produits stupéfiants en ces termes :

« I.-Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu’il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire qu’elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende. »

Contrairement à l’alcool, le code de la route ne prévoit pas de taux légal en dessous duquel l’infraction n’est pas constituée, et au dessus duquel l’infraction est constituée. 

Le Conseil constitutionnel avait déjà été saisi en 2011 de ce problème lié à l’absence de taux légal d’incrimination en matière de conduite sous stupéfiant, et avait validé cette infraction de conduite après usage de stupéfiants ne comprenant pas de taux d’incrimination (QPC du 9 décembre 2011 n°2011-204).

Mais le taux de THC pour la commercialisation légale du CBD laissait un espoir aux conducteurs consommateurs de CBD d’échapper à une condamnation pour conduite après usage de stupéfiant….

L’arrêt de principe de la Cour de cassation du 21 juin 2023

Dans l’arrêt rendu le 21 juin 2023, la Cour de cassation sanctionne la Cour d’appel qui avait relaxé un conducteur invoquant une consommation de CBD pour justifier les tests de dépistage positifs :

« En prononçant ainsi, alors que l’autorisation de commercialiser certains dérivés du cannabis, dont la teneur en delta 9 tétrahydrocannabinol, substance elle-même classée comme stupéfiant par l’arrêté susvisé, n’est pas supérieure à 0,30 %, est sans incidence sur l’incrimination de conduite après usage de stupéfiants, cette infraction étant constituée s’il est établi que le prévenu a conduit un véhicule après avoir fait usage d’une substance classée comme stupéfiant, peu important la dose absorbée, la cour d’appel a méconnu les textes précités.
La cassation est, dès lors, encourue. »

La Cour de cassation ne remet pas en cause la légalité de la commercialisation du CBD, mais considère qu’à partir du moment où il entraîne la présence de traces de produits stupéfiants, sa consommation est incompatible avec la prise de volant.

La conduite sous CBD est donc incriminée, alors même qu’il ne s’agit pas d’un produit stupéfiant, et que le Conseil d’Etat juge que le CBD n’a pas d’effet psychotrope et ne provoque pas de dépendance, et qu’il ne revêt pas un degré de nocivité pour la santé justifiant une interdiction générale et absolue (CE 24 janvier 2023 n°444887).

Le risque de condamnation pour délit de conduite après usage de stupéfiants est donc désormais accru par les consommateurs de CBD, avec à la clé des sanctions qui peuvent être lourdes, et la perte de 6 points sur le permis de conduire. 

Se pose plus que jamais la question de savoir si le législateur va intervenir pour introduire un taux minimal de THC dans l’infraction de conduite sous stupéfiant.


Laura Costes avocat à Toulouse spécialisé en droit pénal et effacement de fichiers

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