Indemnisation des victimes d’attentats

Civ. 2, 27 octobre 2022

Constituent des actes de terrorisme les infractions qui sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur.

L’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme par le Fonds de garantie (FGTI)

Pendant longtemps, les victimes d’attentats ne pouvaient bénéficier d’aucune prise en charge de leur préjudice, la faute des auteurs d’actes de terrorisme étant par nature intentionnelle, elle n’était pas couverte par les contrats d’assurance.

Une indemnisation par l’Etat des dommages corporels résultant des attentats a été instaurée en 1977 : elle était toutefois subsidiaire, plafonnée et soumise à de strictes conditions… En somme, peu efficace.

Depuis 1986, la réparation des dommages corporels résultant du terrorisme relève de la solidarité nationale, qui s’appuie sur une personne morale de droit privé spécifique : le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme.

L’article L422-1 du code des assurances relatif aux victimes d’actes de terrorisme dispose ainsi :

« La réparation intégrale des dommages résultant d’une atteinte à la personne est assurée par l’intermédiaire du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions »

Ce fonds de garantie (FGTI) est financé par une contribution nationale de solidarité prélevée sur les contrats d’assurance de biens.

Le champ d’intervention du FGTI est défini par l’article L126-1 du code des assurances. Ce texte dispose que le fonds est tenu d’indemniser « les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou tout militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité ».

La notion de « victime d’acte de terrorisme » est ainsi essentielle pour savoir si une personne impactée dans sa vie quotidienne par un attentat, peut bénéficier d’une indemnisation du fonds de garantie.

Par une série de 4 arrêts rendus le 27 octobre 2022, la Cour de cassation a précisé les contours de cette notion.

Les proches de la victime directe non décédée ont droit à indemnisation

L’indemnisation des proches des victimes décédées était acquise puisque l’article L126-1 précité vise spécifiquement les ayants droit.

Restait la question de l’indemnisation des proches, lorsque la victime directe avait survécu.

Dans une logique assurantielle minimaliste, le Fonds de garantie avait pour habitude de refuser l’indemnisation des proches en cas de survie de la victime directe.

Par une série de trois arrêts rendus le 27 octobre 2022 concernant l’attentat perpétré le 9 janvier 2015 dans le magasin Hyper Casher de Vincennes, la Cour de cassation reconnaît le droit à indemnisation des proches de la victime directe d’un attentat, même si cette victime a survécu (Civ 2, 27 octobre 2022, n°21-24424, n°21-24425, n°21-24426).

Dans chacune des affaires soumises à la deuxième chambre civile, les proches des victimes directes de l’attentat (conjoint et enfants) avaient assigné le FGTI en indemnisation de leurs propres préjudices. Les juges du fond avaient déclaré leurs demandes irrecevables aux motifs que les seules personnes pouvant réclamer indemnisation au FGTI étaient « d’une part les victimes directes de l’acte de terrorisme, d’autre part leurs ayants droit ».

Leurs décisions sont cassées par la Cour de cassation, qui souligne qu’ « aucun de ces textes n’exclut l’indemnisation des proches de la victime directe d’un attentat, en cas de survie de celle-ci ».

La référence à la notion d’ « ayant droit » pouvait entrainer une confusion, mais exclure l’indemnisation des proches d’une victime survivante d’un attentat conduisait à réserver aux proches des victimes d’attentats un sort plus défavorable qu’à ceux des victimes d’autres infractions, qui peuvent quant à elles bénéficier d’une indemnisation intégrale de leur préjudice.

Espérons que le Fonds de garantie infléchira désormais sa doctrine pour proposer une indemnisation aux proches, afin d’éviter d’avoir à recourir à une procédure judiciaire.

Les témoins non exposés directement à un péril objectif de mort ou d’atteinte corporelle ne peuvent prétendre à aucune indemnisation

Par un autre arrêt rendu le même jour concernant cette fois l’attentat perpétré à Nice, le 14 juillet 2016, la Cour de cassation précise qu’au regard du code des assurances, la victime directe d’un acte de terrorisme est la personne que cet acte a directement exposée à un péril objectif de mort ou d’atteinte corporelle (Civ. 2, 27 octobre 2022 n°21-13134) :

« S’agissant d’actes de terrorisme en lien avec les infractions d’atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité des personnes, sont des victimes, au sens de l’article L.126-1 précité, les personnes qui ont été directement exposées à un péril objectif de mort ou d’atteinte corporelle.
Le fait pour une personne de s’être trouvée à proximité du lieu d’un attentat et d’en avoir été le témoin ne suffit pas, en soi, à lui conférer la qualité de victime. »

Le fait, pour une personne, de s’être trouvée à proximité du lieu de l’attentat et d’en avoir été le témoin ne suffit pas, en soi, à lui conférer le droit d’être indemnisée par ce Fonds.

 

La Cour de cassation avait déjà apporté d’importantes précisions le 15 février 2022 concernant la recevabilité des constitutions de parties civiles des victimes d’actes de terrorisme.

Cliquez ici pour en savoir plus sur la décision de la Cour de cassation du 15 février 2022

 


Laura Costes avocat à Toulouse spécialisé en droit pénal et effacement de fichiers
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