Réductions de peine

Tout comprendre en 5 minutes

C’est quoi une réduction de peine ?

La réduction de peine est une mesure quasi juridictionnelle qui dispense le condamné de l’exécution d’une partie de sa peine privative de liberté, soit à raison de son absence de mauvaise conduite, soit à raison de ses efforts de réinsertion.

Attention, une réforme vient de bouleverser le système des réductions de peine !  

Les anciens crédits de réduction de peine (CRP) et réductions de peine supplémentaires (RPS) n’existent plus et sont remplacés par un tout nouveau système de réductions de peine.

En effet, par la loi du 22 décembre 2021, dite loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, le législateur a opéré une refonte complète du régime des réductions de peine.

Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2023.

En application des dispositions du VI de l’article 59 de la loi du 22 décembre 2021, et des II et III de l’article 13 du décret d’application, le nouveau régime des réductions de peines est applicable « aux personnes placées sous écrou à compter du 1er janvier 2023, quelle que soit la date de commission de l’infraction ». « Les personnes placées sous écrou avant cette date » demeurent soumises au régime antérieur des CRP et des RPS.

Un décret du 28 septembre 2022 prévoyait qu’une personne placée en détention provisoire avant le 1er janvier 2023 et condamnée dans la même procédure à compter de cette date, devra se voir appliquer le nouveau régime de réductions de peine pour l’exécution de cette condamnation et des peines mises à écrou postérieurement à cette date (sauf si, avant le 1er janvier 2023, la personne était également détenue pour autre cause et écrouée en exécution d’une ou plusieurs peines).

Cependant, par un arrêt du 26 juin 2024, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a conclu que le nouveau régime de réduction de peine est applicable aux personnes incarcérées à compter du 1er janvier 2023, celles incarcérées avant cette date relevant de l’ancien régime, qu’elles aient été écrouées au titre de la détention provisoire ou en exécution de peine.

La mise en oeuvre du régime de réduction de peine conforme à cette décision de la Cour de cassation ne va pas aller sans poser des difficultés d’application, notamment pour les détenus dont la situation avait déjà été analysée en application du nouveau régime, alors que l’ancien régime leur était applicable.

 

Petit retour en arrière : en quoi consistait l’ancien système des crédits de réduction de peine ?

Jusqu’au 31 décembre 2022, chaque peine définitive portée à l’écrou se voyait immédiatement et automatiquement imputer un crédit de réduction de peine (CRP), à hauteur de trois mois pour la première année, deux mois pour les années suivantes et sept jours par mois pour les fractions d’années.

Le juge de l’application des peines (JAP) pouvait par ailleurs octroyer des réductions de peine supplémentaires (RPS) pouvant aller jusqu’à trois mois par an, aux condamnés qui avaient fourni des efforts notables et qui présentaient des gages sérieux de réadaptation sociale.

Le JAP, saisi par le directeur de l’établissement pénitentiaire, pouvait procéder à des retraits de CRP si le condamné avait été sanctionné en raison d’incidents disciplinaires. Ces retraits avaient pour effet d’éloigner la date de fin de peine.

L’ancien régime de réductions de peine permettait à une juridiction de jugement, en cas de nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit commis par le condamné après sa libération pendant une période égale à la durée des crédits de réduction de peine dont il avait bénéficié, d’ordonner le retrait de tout ou partie des crédits de réduction et la mise à exécution de l’emprisonnement correspondant.

Ce système n’existe plus sous l’empire de la nouvelle loi.

Ce système était supposé inciter le condamné à adopter une bonne conduite sous peine de se voir rallonger sa peine par le retrait de CRP.

L’autre effet bénéfique prêté à l’ancien système des CRP était d’assurer au condamné une visibilité lui permettant de planifier l’exécution de sa peine dans la mesure où la date de fin de peine prévisionnelle était connue dès le prononcé de la peine.

Les condamnés et leurs avocats pouvaient ainsi par exemple calculer la date de leurs mi-peines et prévoir en conséquence une requête en libération conditionnelle.

C’est cette automaticité des remises de peines qui est complètement remise en cause par la nouvelle loi entrée en vigueur au1er janvier 2023.

La circulaire n° JUSD2231353C du 3 novembre 2022, portant sur la loi du 22 décembre 2021 d’application immédiate au 1er janvier 2023, indique en exergue :

« La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire procède à une réforme en profondeur des règles relatives aux réductions de peine en mettant fin au dispositif du crédit de réduction de peine institué par la loi du 9 mars 2004.

Ce système était en effet devenu difficilement compréhensible pour nos concitoyens au regard du principe de l’individualisation des peines. Il aboutissait dans un premier temps à une réduction automatique immédiate et systématique portant sur l’ensemble de la peine prononcée, alors que dans un second temps, le juge de l’application des peines accordait aux condamnés ayant manifesté des efforts sérieux de réadaptation sociale des réductions de peine supplémentaires de façon personnalisée, après avis des membres de droit de la commission de l’application des peines.

Dans un objectif de cohérence et de meilleure lisibilité du parcours d’exécution des peines, il est désormais prévu un dispositif unique de réduction de peine que pourra octroyer le juge de l’application des peines, après avis de la commission de l’application des peines, lorsque le condamné aura donné des preuves suffisantes de bonne conduite et aura manifesté des efforts sérieux de réinsertion sociale. Ainsi, une personne condamnée à une peine d’emprisonnement ne se verra plus octroyer uneréduction de peine par principe mais devra justifier d’efforts en termes de comportement et de réinsertion tout au long de sa détention, et investir de manière active son parcours d’exécution de peine. »

 

Aujourd’hui : comment fonctionne le nouveau régime des réductions de peine ?

Le nouveau système des réductions de peine est prévu par les articles 721 et suivants et D115 et suivants du code de procédure pénale.

      • Par qui et comment sont accordées les nouvelles réductions de peine ?

Les réductions de peine peuvent être accordées par le Juge de l’application des peines (JAP), après avis de la Commission de l’application des peines (CAP).

Le juge de l’application des peines est un magistrat qui intervient postérieurement à une condamnation devenue définitive. 

Il est chargé, dans les conditions prévues par la loi, de fixer les principales modalités de l’exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté, en orientant et en contrôlant les conditions de leur application (art 712-6 CPP).

 La Commission d’application des peines (CAP) est une commission consultative, instituée dans chaque établissement pénitentiaire, qui assiste le Juge de l’application des peines lors de la prise de certaines décisions concernant l’individualisation des peines. Une CAP est présidée par le juge de l’application des peines et composée du procureur de la République, du chef d’établissement pénitentiaire, d’un représentant du service pénitentiaire d’insertion et de probation et d’un représentant du corps de commandement ou du corps d’encadrement et d’application du personnel de surveillance.

 C’est ainsi qu’en matière de réductions de peine, le Juge de l’application des peines (JAP) prend ses décisions après avis rendu par la Commission d’application des peines, qui siège régulièrement au sein même de l’établissement pénitentiaire.

En pratique, plusieurs CAP sont organisées chaque année au sein de chaque établissement pénitentiaire (souvent une à deux fois par mois).

S’agissant des réductions de peines, la situation de chaque condamné doit être examinée par la CAP au moins une fois par an, même d’office en l’absence de demande formée par le condamné (art D116 CPP).

La réduction de peine est prononcée en une seule fois si l’incarcération est inférieure à une année et par fractions annuelles dans le cas contraire. 

Lorsque la durée d’incarcération restant à subir est inférieure à une année, le juge de l’application des peines prend en considération la totalité de cette durée pour apprécier le montant des réductions de peine susceptibles d’être octroyées (art D116-1 CPP).

Lorsqu’est étudiée la situation d’un condamné, on dit que son cas est mis à l’ordre du jour de la commission. Chacun des membres la composant émet un avis sur le principe et le quantum de l’octroi des réductions de peine.

Après ce « tour de table », le JAP détermine le nombre de jours accordés au condamné au titre des réductions de peine. Une ordonnance est rendue et notifiée au condamné et/ou à son avocat.

L’avocat du condamné n’assiste pas à la commission, mais peut transmettre toutes observations ou pièces utiles à l’analyse du cas de son client.

      • Les peines concernées :

Les réductions de peine s’appliquent à toutes les peines privatives de liberté, lorsque la condamnation est devenue définitive, y compris celles qui sont aménagées sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la détention à domicile sous surveillance électronique (art D115-1 CPP). 

      • Les quantums de réductions de peine susceptibles d’être octroyés :

Pour les peines d’une durée supérieure à un an, les réductions de peines accordées peuvent aller jusqu’à six mois par an sans pouvoir dépasser ce seuil.

Pour les peines d’une durée inférieure à un an, les réductions de peines accordées peuvent aller jusqu’à quatorze jours par mois sans pouvoir dépasser ce seuil.

Attention, certaines infractions liées au terrorisme ou commises à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique ne peuvent bénéficier des réductions de peine qu’à une hauteur limitée (art 721-1-1 et 721-1-2 CPP).

Il en va de même pour les personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire qui ne suivraient pas le traitement proposé.

      • Sur quels critères les réductions de peine sont-elles susceptibles d’être accordées ?

Le Juge de l’application des peines (JAP) peut décider d’octroyer des réductions de peine aux condamnés qui ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite (1) et qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion (2). 

  1. Les preuves suffisantes de bonne conduite sont appréciées en tenant compte notamment de l’absence d’incidents en détention, du respect du règlement intérieur de l’établissement ou des instructions de service, de l’implication dans la vie quotidienne ou du comportement avec le personnel pénitentiaire ou exerçant à l’établissement, avec les autres personnes détenues et avec les personnes en mission ou en visite. 
  1. Les efforts sérieux de réinsertion sont appréciés en tenant compte notamment du suivi avec assiduité d’une formation scolaire, universitaire ou professionnelle ayant pour objet l’acquisition de connaissances nouvelles, des progrès dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation, de l’engagement dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, de l’exercice d’une activité de travail, de la participation à des activités culturelles, notamment de lecture, de la participation à des activités sportives encadrées, du suivi d’une thérapie destinée à limiter les risques de récidive, de l’investissement soutenu dans un programme de prise en charge proposé par le service pénitentiaire d’insertion et de probation ou des versements volontaires des sommes dues aux victimes et au Trésor public.
      • Est-il possible de se voir retirer des réductions de peines accordées ?

Dans l’année suivant son octroi, la réduction de peine peut être retirée en tout ou en partie, après avis de la Commission de l’application des peines, en cas de mauvaise conduite du condamné. Le retrait est prononcé par ordonnance motivée du Juge de l’application des peines agissant d’office, sur saisine du chef d’établissement ou sur réquisitions du procureur de la République. Le condamné est mis en mesure de faire valoir ses observations, le cas échéant par l’intermédiaire de son avocat. 

      • Est-il possible de contester une décision rendue en matière de réductions de peine ?

Les ordonnances rendues par le JAP en matière de réductions de peine peuvent être attaquées par la voie de l’appel par le condamné ou son avocat dans un délai de 24 heures à compter de sa notification (art 712-11 CPP).

L’appel est porté devant la Chambre de l’application des peines de la Cour d’appel, qui statue par arrêt motivé après un débat contradictoire au cours duquel sont entendues les réquisitions du ministère public et les observations de l’avocat du condamné. Le condamné n’est pas entendu par la chambre, sauf si celle-ci en décide autrement. Son audition est alors effectuée, en présence de son avocat ou celui-ci régulièrement convoqué (art 712-13 CPP). 

      • Les réductions de peines exceptionnelles

L’article 721-3 du code de procédure pénale prévoit une réduction de peine exceptionnelle, dont le quantum peut aller jusqu’au tiers de la peine prononcée, pour les condamnés dont les déclarations faites à l’autorité administrative ou judiciaire antérieurement ou postérieurement à leur condamnation ont permis de faire cesser ou d’éviter la commission d’une infraction mentionnée aux articles 706-73,706-73-1 et 706-74 du code de procédure pénale (criminalité et délinquance organisées).

L’article 11 de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a inséré dans le code de procédure pénale un article 721-4 qui crée une nouvelle catégorie de réduction de peine exceptionnelle, pour toute personne condamnée ayant permis, au cours de sa détention, y compris provisoire, d’éviter ou de mettre fin à toute action individuelle ou collective de nature à perturber gravement le maintien du bon ordre et de la sécurité de l’établissement ou à porter atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique des membres du personnel pénitentiaire ou des détenus de l’établissement.


Laura Costes avocat à Toulouse spécialisé en droit pénal et effacement de fichiers

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