Trafic de stupéfiants

Nullités de procédure

Mise sous scellé, échantillonnage et pesée

Il existe de nombreuses spécificités procédurales en matière de poursuite, d’enquête et de jugement des infractions liées au trafic de stupéfiants.

Lorsque du produit stupéfiant est découvert au cours d’une enquête de police (sous le contrôle d’un Procureur) ou au cours d’une instruction (sous le contrôle d’un Juge d’instruction), il doit en principe être placé sous scellé aux fins d’échantillonnage avant sa destruction.

Les stupéfiants doivent en outre avoir fait l’objet d’une pesée dite contradictoire avant d’être détruits.

Il s’agit là d’enjeux majeurs de la procédure pénale car en plus de garantir l’effectivité des droits de la défense, ils permettent de s’assurer de l’authenticité des produits stupéfiants découverts.

A défaut, une contestation sur le terrain de la preuve pourrait être portée par la défense devant la juridiction de jugement.

Le non-respect du formalisme procédural dans le traitement de la matière stupéfiante peut entrainer des vices de procédure de nature à faire annuler l’entier dossier et la poursuite.

Voici un bref aperçu de l’état du droit en la matière :

 

Le placement sous scellé des produits stupéfiants

L’article 56 alinéa 4 du code de procédure pénale dispose que :

« Tous objets et documents saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés. Cependant, si leur inventaire sur place présente des difficultés, ils font l’objet de scellés fermés provisoires jusqu’au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs et ce, en présence des personnes qui ont assisté à la perquisition suivant les modalités prévues à l’article 57. »

 

La Cour de cassation estime pourtant en matière de produits stupéfiants que :

« Le placement sous scellés, qui constitue un moyen d’authentification des produits, n’est pas obligatoire et qu’en leur absence, la preuve de la nature du produit est soumise au principe de la libre administration de la preuve posé par l’article 427 du code de procédure pénale » 

Cour de cassation, Crim., 11 décembre 2019, n° 18-84.912

 

 

L’échantillonnage des produits stupéfiants

L’article 706-30-1 du code de procédure pénale dispose ainsi :

« Lorsqu’il est fait application des dispositions du quatrième alinéa de l’article 992 à des substances stupéfiantes saisies au cours de la procédure, le juge d’instruction doit conserver un échantillon de ces produits afin de permettre, le cas échéant, qu’ils fassent l’objet d’une expertise. Cet échantillon est placé sous scellés. »

 

Il résulte clairement des dispositions de cet article qu’en cas de destruction de la matière saisie, un échantillon prélevé des produits saisis doit être conservé à des fins d’expertise éventuelle en cas de contestation, et ce prélèvement d’échantillon doit être placé sous scellés.

Cette exigence légale d’échantillonnage n’est autre qu’un dispositif de préservation des indices destiné à assurer devant la juridiction l’authenticité des produits saisis qui ont été détruits.

Les travaux parlementaires ont d’ailleurs précisé que « ce dispositif a pour objectif de garantir les droits de la défense qui pourraient être atteints si la destruction de stupéfiants ne s’accompagnait d’aucune précision ». 

Rapport de la Commission des lois du 10 juin 1998 (article 18), par M. Pierre FAUCHON

 

Dans un premier temps, dans un arrêt rendu le 9 avril 2018, la Cour de cassation a considéré que ces obligations s’appliquaient à la destruction de stupéfiants dans le cadre d’une enquête :

« La destruction partielle des stupéfiants peut être ordonnée dès le début de l’enquête en application des dispositions de l’article 706-30-1 du code de procédure pénale sous réserve de respecter les exigences de ce texte, à savoir la pesée des produits et la conservation d’un échantillon. »

Cour de cassation, Crim. 9 avril 2008, n°08-80.604

La Cour de cassation a ainsi considéré que l’article 706-30-1 du code de procédure pénale ne se limitait pas au seul cadre de l’instruction et était de nature à s’appliquer aux opérations de destruction accomplies sur instruction du Procureur de la République dans le cadre d’une enquête.

Attention, un revirement de jurisprudence est intervenu :

Il n’est dorénavant plus besoin d’assurer l’échantillonnage des produits stupéfiants et leur mise sous scellé dans le cadre d’une enquête.

C’est seulement dans le cadre d’une instruction que ces formalités doivent être respectées sous peine de nullités.

 

La Cour de cassation considère en effet désormais que :

« Les dispositions de l’alinéa 1er de l’article 706-30-1 du code de procédure pénale ne sont applicables qu’à l’instruction préparatoire, lorsque le juge d’instruction veut faire procéder à la destruction du produit, et ne sont pas applicables à l’enquête de flagrance. »

Cour de cassation, Crim., 11 décembre 2019, n°18-84.912

 

La pesée des produits stupéfiants

Les règles régissant la pesée des produits stupéfiants sont applicables quel que soit le cadre juridique. Elles doivent donc être respectées tant au cours d’une enquête de flagrance, d’une enquête préliminaire ou d’une instruction.

D’après l’article 706-30-1 du code de procédure pénale : 

« Il doit être procédé par le juge d’instruction ou par un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire à la pesée des substances saisies avant leur destruction. Cette pesée doit être réalisée en présence de la personne qui détenait les substances, ou, à défaut, en présence de deux témoins requis par le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire et choisis en dehors des personnes relevant de leur autorité. La pesée peut également être réalisée, dans les mêmes conditions, au cours de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire, par un officier de police judiciaire, ou, au cours de l’enquête douanière, par un agent des douanes de catégorie A ou B.

Le procès-verbal des opérations de pesée est signé par les personnes mentionnées ci-dessus. En cas de refus, il en est fait mention au procès-verbal. »

 

Les opérations de pesée sont ainsi de la compétence exclusive des officiers de police judiciaire, et doivent être conduites de façon contradictoire c’est-à-dire en présence de la personne entre les mains de laquelle la matière stupéfiante a été trouvée.

A défaut, l’opération de pesée doit se dérouler en présence de deux témoins.

La loi exige ainsi expressément que la pesée soit consignée dans un procès-verbal établi par un officier de police judiciaire compétent, signé par la ou les personnes dont la présence est légalement exigée.

La jurisprudence relative aux conséquences d’une pesée irrégulière est très nettement établie.

La Cour de cassation a ainsi affirmé que :

« Les résultats d’une pesée irrégulière de produit stupéfiant ne doivent pas pouvoir être pris en compte par l’accusation ou la juridiction de jugement ; que l’absence de suppression de ces résultats dans les pièces de la procédure porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne mise en examen pour infraction à la législation sur les stupéfiants. »

Cour de cassation, Crim., 24 janvier 2007, n°06-88.351

 

La destruction de substances stupéfiantes cause nécessairement grief lorsque la pesée des scellés constitués au cours de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire, a été réalisée en l’absence de la personne qui les détenait ou de deux témoins :

« Vu l’article 706-30-1, deuxième alinéa, du code de procédure pénale ;

Attendu qu’il résulte de ce texte que la pesée de produits stupéfiants ne peut être réalisée, au cours de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire, qu’en présence de la personne qui détenait les substances, ou, à défaut, en présence de deux témoins ;

Qu’en cas de non-respect de ces prescriptions, le grief de ladite personne résulte nécessairement de la destruction des substances stupéfiantes. »

Cour de cassation, Crim., 31 octobre 2017, n°17-80.872

 

Précision importante, toute personne ayant un intérêt dans la procédure peut se prévaloir des manquements inhérents à l’opération de la pesée des stupéfiants. Le détenteur des produits stupéfiants n’est donc pas le seul à pouvoir se prévaloir d’une violation des prescriptions légales :

« La violation des dispositions de l’article 706-30-1 précité́, qui ont pour objet de garantir le caractère contradictoire du déroulement de ces opérations et ainsi d’authentifier le poids des produits saisis, peut être invoquée par toute partie qui y a intérêt

(..)

Le texte susvisé impose la réalisation de la pesée des produits stupéfiants en présence de la seule personne qui détenait les substances, ce qui doit s’entendre comme celle entre les mains de laquelle elles ont été saisies. »

Cour de cassation, Crim., 9 novembre 2021, n°21-83.095


Laura Costes avocat à Toulouse spécialisé en droit pénal et effacement de fichiers

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