Origines et évolutions du fichier TAJ
Traitement des Antécédents Judiciaires
La naissance du TAJ
Le fichier de Traitement d’Antécédents Judiciaires (TAJ) est un fichier du ministère de l’Intérieur alimenté par les données issues des procédures de police et gendarmerie.
Le TAJ a été créé par la loi LOPPSI 2 (Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure) du 14 mars 2011.
Son cadre est fixé par les articles 230-6 à 230-11 et R.40-23 à R.40-34 du code de procédure pénale.
Ce fichier devait initialement s’intituler « Traitement de Procédures Judiciaires » (TPJ) et être développé sous l’acronyme ARIANE signifiant « Application de Rapprochement, d’Identification et d’ANalyse pour les Enquêteurs ».
La création d’un fichier d’antécédents commun à la police et à la gendarmerie nationales entendait répondre à l’objectif fixé par la loi LOPPSI 2 « d’optimiser l’action des forces de sécurité intérieure dans le cadre du rapprochement police/gendarmerie ».
A ce titre, le TAJ a eu pour mission de remplacer les deux fichiers d’antécédents alors utilisés par ces services, à savoir :
⇒ Le Système de Traitement des Infractions Constatées (STIC) de la police nationale, créé par le décret du 5 juillet 2001
⇒ Le système JUdiciaire de Documentation et d’EXploitation (JUDEX) de la gendarmerie nationale, créé par le décret du 20 novembre 2006
Les données contenues dans le STIC et le JUDEX ont donc été transférées dans le fichier de Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ).
Le TAJ se distingue de ces deux fichiers notamment quant aux modalités de sa mise à jour et d’effacement, puisqu’il offre des garanties qui faisaient défaut aux fichiers STIC et JUDEX.
Tout comme les anciens STIC et JUDEX, le TAJ a vocation à être consulté dans un cadre judiciaire, mais également à l’occasion d’enquêtes administratives, à des fins de contrôle, pour certains emplois dits « sensibles ».
-
-
Finalité judiciaire
-
La finalité principale du TAJ est de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs.
-
-
Finalité administrative
-
Mais le TAJ poursuit aussi une finalité administrative.
Il pourra être consulté dans le cadre des enquêtes administratives préalables à une décision de recrutement, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation concernant certains emplois, à l’occasion de l’instruction des demandes d’acquisition de la nationalité française et de délivrance de titres de séjour ou lors de missions ou interventions des forces de l’ordre comportant un risque d’atteinte à l’ordre public ou à la sécurité des personnes ou des biens.
C’est ce volet administratif qui a valu au fichier TAJ d’être particulièrement scruté par la CNIL lors de sa création.
D’autant que la CNIL avait pointé les errements du STIC dans un rapport de 2009.
Les enseignements tirés du contrôle du fichier STIC et les recommandations de la CNIL à propos du nouveau fichier TAJ
-
-
Le rapport rendu par la CNIL en 2009 au sujet du fichier STIC : un état des lieux inquiétant
-
La CNIL (Commission Nationale de l’informatique et des libertés) est une autorité administrative indépendante française chargée de veiller à ce que les données informatisées des citoyens ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur vie privée ou à leurs libertés individuelles.
A ce titre, elle a mené au cours des années 2007 et 2008 une enquête relative au fonctionnement du fichier de police alors en vigueur : le STIC.
Lors des contrôles effectués, la CNIL avait relevé de nombreuses inexactitudes et dysfonctionnements, au point qu’un rapport d’alerte avait été remis au Premier Ministre en 2009.
La CNIL avait notamment dénoncé le manque de communication entre les services judiciaires et les services de police avec pour dramatique conséquence que seules 17% des fiches de mis en cause examinées s’étaient révélées exactes : les suites judiciaires (non-lieu, acquittement, relaxe ou condamnation) n’étaient tout simplement pas transmises par les tribunaux. Concrètement, il était apparu que l’autorité judiciaire ne communiquait pas ou seulement de façon exceptionnelle les fiches dites « navettes » au service gestionnaire du fichier STIC. Or, ce sont ces fiches navettes qui permettaient de renseigner dans le fichier STIC les suites judiciaires apportées aux procédures diligentées par la police.
Ce constat s’avérait particulièrement préoccupant eu égard aux répercussions gravissimes de ces inexactitudes sur l’emploi des personnes fichées, puisque le STIC pouvait alors également servir à des fins d’enquêtes administratives, pour certains postes dits « sensibles ».
-
-
Les leçons tirées des carences du STIC et les recommandations de la CNIL au sujet du nouveau fichier TAJ
-
La CNIL a été saisie par le Ministère de l’Intérieur d’une demande d’avis au moment du projet de décret relatif à la mise en place du TAJ, en 2011.
C’est à cette occasion qu’elle a tenu à faire part de ses craintes liées à l’émergence du nouveau fichier commun TAJ destiné à remplacer les anciens STIC et JUDEX.
*Exactitude des données du TAJ
Elle a en premier lieu souhaité rappeler la gravité des dysfonctionnements constatés lors des contrôles auxquels elle avait procédé concernant le STIC de la police nationale en 2007 et 2008.
Elle a naturellement insisté sur l’importance de l’exactitude des données traitées, et tout particulièrement sur leur mise à jour régulière, ainsi que sur l’effectivité des droits offerts aux personnes d’en obtenir l’effacement ou la rectification.
Elle a rappelé sur ce point le rôle primordial de l’autorité judiciaire, qu’il s’agisse du procureur de la République ou du « magistrat référent ».
La CNIL a salué les ajustements tirés des conclusions désastreuses de son rapport de 2009 relatif au STIC, de nature à résoudre en grande partie les dysfonctionnements constatés en matière de mise à jour des données d’antécédents judiciaires : le nouveau traitement TAJ sera désormais mis en relation en amont avec les traitements de rédaction des procédures LRPPN de la police nationale et LRPGN de la gendarmerie nationale, et interconnecté en aval avec le traitement CASSIOPEE du ministère de la justice.
*Durée de conservation des données du TAJ
La CNIL a par ailleurs pointé les durées de conservation des inscriptions au fichier TAJ, parfois très longues (pouvant aller jusqu’à 40 ans) et, en tout état de cause, bien supérieures aux délais de prescription de l’action publique.
Si elle a précisé que ces durées pouvaient être justifiées par la finalité de police judiciaire du traitement, à savoir faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, elle est restée silencieuse sur l’utilisation à des fins administratives qui pouvait en être faite pendant tout ce temps….
*Protection des données du TAJ
La CNIL a tenu également à rappeler l’importance d’un encadrement très strict des données relatives au signalement dans le TAJ.
Elle a par exemple établi qu’aucun élément de signalement ne pourrait résulter d’une analyse automatisée des photographies enregistrées au TAJ.
En outre, la commission a tenu à préciser que ces données de signalement, si elles laissaient apparaître, directement ou indirectement, les origines ethniques ou raciales réelles ou supposées des personnes, ne pourront donner lieu à un traitement spécifique, notamment statistique.
Par ailleurs, la commission a relevé que certaines données (relatives à la santé, à la vie sexuelle, aux opinions politiques, philosophiques… ) ne seront susceptibles d’être recensées dans le TAJ qu’à la condition qu’elles résultent de la nature ou des circonstances de l’infraction.
*Sécurité des données du TAJ
En dernier lieu, la CNIL a insisté sur la sécurité du traitement TAJ qui ne pouvait résulter que d’un ensemble de mesures particulièrement appropriées.
Ainsi, le traitement est hébergé dans des conditions de sécurité physique d’un niveau élevé.
Une protection renforcée des données fichées au TAJ à travers la procédure d’effacement
-
-
Vers un élargissement des possibilités d’effacement du TAJ suite à la décision du Conseil Constitutionnelle n°2017-670 QPC du 27 octobre 2017
-
Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 27 octobre 2017 sur la protection des données à caractère personnel dans la mise en œuvre du Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ) telle qu’elle résultait de la loi LOPPSI 2 du 14 mars 2011 portant création du TAJ et de son décret d’application du 4 mai 2012.
Le Conseil Constitutionnel a sanctionné la procédure d’effacement alors en vigueur en estimant qu’elle portait atteinte au droit au respect de la vie privée en ce qu’elle était trop limitée.
Il a en effet déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de l’article 230-8 du code de procédure pénale régissant les modalités d’effacement du TAJ, à compter du 1er mai 2018 :
« Ces informations peuvent être consultées non seulement aux fins de constatation des infractions à la loi pénale, de rassemblement des preuves de ces infractions et de recherche de leurs auteurs, mais également à d’autres fins de police administrative. Dès lors, en privant les personnes mises en cause dans une procédure pénale, autres que celles ayant fait l’objet d’une décision d’acquittement, de relaxe, de non-lieu ou de classement sans suite, de toute possibilité d’obtenir l’effacement de leurs données personnelles inscrites dans le fichier des antécédents judiciaires, le premier alinéa de l’article 230-8 du code de procédure pénale porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. »
-
-
Les nouvelles conditions de recevabilité de la demande tendant à l’effacement des données inscrites au TAJ ou à l’ajout d’une mention empêchant la consultation dans le cadre des enquêtes administratives
-
Tirant les conséquences de cette décision, les nouvelles dispositions de l’article 230-8 du code de procédure pénale réécrites en 2018 reconnaissent dorénavant à toutes les personnes inscrites au TAJ, y compris les personnes condamnées, la possibilité de demander l’effacement anticipé de leurs données inscrites au fichier.
Avec ces nouvelles dispositions, les personnes concernées peuvent former une demande auprès du procureur de la République en vertu du nouvel article 230-8 ou bien auprès du magistrat référent selon les prévisions de l’article 230-9 :
⇒ Soit sans délai à compter d’une condamnation définitive assortie d’une dispense de peine ou d’une dispense de mention au casier judiciaire, ou, comme antérieurement, dès lors qu’une décision définitive de relaxe, d’acquittement, de non-lieu ou de classement sans suite est intervenue
⇒ Soit, dans les autres hypothèses, dès lors qu’aucune mention de nature pénale ne figure plus au bulletin n°2 de leur casier judiciaire
Ces conditions de recevabilité ne s’appliquent naturellement pas aux demandes d’effacement ou de rectification de données inexactes qui sont de droit.
*Demande recevable sans délai, sans effacement du bulletin n°2 du casier judiciaire
Il résulte des nouvelles dispositions que sont immédiatement recevables, sans nécessité de respecter un certain délai et même si figurent toujours une ou plusieurs mentions de nature pénale au bulletin n°2 du casier judiciaire, les demandes d’effacement ou d’ajout d’une mention au TAJ concernant une procédure qui a donné lieu à :
⇒ Une décision définitive de relaxe, d’acquittement, de non-lieu ou de classement sans suite, ce qui était déjà prévu par les dispositions antérieures
⇒ Une déclaration de culpabilité assortie d’une dispense de peine, ce qui constitue une innovation par rapport au droit antérieur
⇒ Une condamnation à une peine, quelle qu’en soit la nature, dès lors que cette condamnation a fait l’objet en application des articles 775-1 ou 777-1 du code de procédure pénale d’une dispense d’inscription au bulletin n°2 ou au bulletin n°3 du casier judiciaire, ce qui constitue également une nouveauté. Sur ce point, l’article 230-8 du code de procédure pénale n’exige pas, pour permettre une demande d’effacement sans délai, que cette exclusion du bulletin n°2 ou n°3 du casier judiciaire ait été ordonnée dans le jugement de condamnation octroyant une dispense d’inscription. Cette exclusion peut donc avoir été ordonnée ultérieurement par jugement rendu postérieurement sur requête du condamné.
*Demande recevable sous condition d’un bulletin n°2 vierge de toute mention de nature pénale
Dans les autres cas, la personne ne peut former une demande d’effacement, à peine d’irrecevabilité, que lorsque ne figure plus aucune mention de nature pénale au bulletin n°2 de son casier judiciaire.
Cela signifie que toute demande adressée par une personne condamnée dont le bulletin n°2 porte mention d’une ou plusieurs condamnations pénales est irrecevable.
Attention, cette irrecevabilité s’applique même si les condamnations inscrites au casier judiciaire sont sans lien aucun avec l’inscription figurant au TAJ à l’origine de la demande. Le texte n’exige en effet pas un tel lien pour rendre la demande irrecevable.
Il convient donc d’obtenir l’effacement de l’entier bulletin n°2 du casier judiciaire avant d’entreprendre une requête en effacement du fichier TAJ.
En revanche, l’existence de mentions de nature non pénale au bulletin n°2 du casier judiciaire, qu’il s’agisse de décisions disciplinaires, commerciales ou administratives, ne constitue pas un motif d’irrecevabilité de la demande.
Cliquez ici pour tout savoir de la procédure d’effacement du bulletin n°2 du casier judiciaire
La condition d’absence de mention de nature pénale au bulletin n°2 du casier judiciaire a été retenue par le législateur pour deux motifs principaux :
⇒ Elle permet d’abord de moduler les délais de recevabilité des demandes en effacement du TAJ en évitant que les magistrats soient destinataires de demandes d’effacement jugées prématurées ou infondées. Ce critère leur permet concrètement, par la seule vérification du bulletin n°2, et dès réception de la demande d’effacement du TAJ, de la déclarer irrecevable sans avoir besoin de l’examiner au fond.
⇒ Elle apparaît ensuite cohérente avec la finalité administrative du TAJ, puisqu’elle permet d’éviter qu’une personne puisse se voir refuser un emploi en raison d’une inscription qui figurerait toujours au TAJ alors que son bulletin n°2 serait néant de toute décision de nature pénale.
Ainsi, une personne pourra demander l’effacement des données la concernant au TAJ dès que toutes les mentions de nature pénale ayant figuré au bulletin n°2 du casier judiciaire en sont exclues en raison notamment d’une réhabilitation judiciaire, d’un jugement d’effacement du bulletin n°2 suite à une requête ou de leur caractère non avenu du fait de l’écoulement du temps.
-
-
Un nouveau délai de traitement des requêtes en effacement du TAJ
-
Compte tenu de l’extension des possibilités d’effacement anticipé des données inscrites au TAJ aux personnes condamnées, la loi adoptée à la suite de la censure du Conseil Constitutionnel de 2017 a allongé le délai de réponse des magistrats pour traiter des demandes en effacement du TAJ.
Ainsi, aux termes du premier alinéa de l’article 230-8 du code de procédure pénale et du deuxième alinéa de l’article 230-9 de ce même code, le procureur de la République et le magistrat référent disposent désormais d’un délai de 2 mois, et non plus d’1 mois, pour traiter des requêtes tendant à l’effacement ou à la mise à jour des données figurant au TAJ ou à l’ajout d’une mention empêchant la consultation à des fins administratives.
Cliquez ici pour tout savoir sur le TAJ
Cliquez ici pour tout savoir sur l’effacement du TAJ