La responsabilité pénale de la personne morale

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Abus de biens sociaux, abus de confiance, fraude fiscale, travail dissimulé, blessures involontaires, homicide involontaire… Ces infractions peuvent conduire à engager la responsabilité pénale d’une personne morale (société, collectivité territoriale…).

Toute personne morale, sauf l’Etat, peut être condamnée sur le plan pénal.

L’article 121-2 alinéa 1 du code pénal dispose en effet que :

« Les personnes morales, à l’exclusion de l’État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public.

La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits. »

Ainsi, une personne morale peut voir engager sa responsabilité pénale, parallèlement et indépendamment à celle de son représentant ou dirigeant personne physique : cela signifie qu’une personne morale peut être condamnée par un tribunal, tout comme son dirigeant, à l’occasion d’un même procès.

Les personnes morales concernées

En droit français, une personne morale est un groupement doté de la personnalité juridique.

Généralement une personne morale se compose d’un groupe de personnes physiques réunies pour accomplir quelque chose en commun. Ce groupe peut aussi réunir des personnes physiques et des personnes morales.

        • Les personnes morales de droit privé

Les personnes morales de droit privé peuvent être à but lucratif.

La recherche du profit peut les exposer à des risques infractionnels importants : il s’agit par exemple des sociétés civiles ou commerciales, des groupements d’intérêt économique, des sociétés unipersonnelles…

Il existe également des personnes morales de droit privé à but non lucratif, comme les associations, les partis et groupements politiques, les syndicats, les fondations…

        • Les personnes morales de droit public

L’État ne peut voir sa responsabilité pénale engagée, mais la responsabilité pénale des collectivités territoriales peut être engagée sous certaines conditions.

Les collectivités territoriales peuvent voir engagée leur responsabilité pour les infractions commises dans le cadre des activités qui auraient pu être accomplies par des personnes privées dans le cadre d’une délégation de service public.

Les autres personnes morales de droit public, tels que les établissements publics ou les groupements d’intérêt public, peuvent voir engagée leur responsabilité pénale sans restriction.

 

Les conditions de l’engagement de la responsabilité d’une personne morale

La responsabilité pénale d’une personne morale pourra être engagée à deux conditions cumulatives :

        • Une infraction est commise par un organe ou un représentant de la personne morale
        • Et que cette infraction est commise pour le compte de la personne morale.

1. Infraction commise par un organe ou un représentant de la personne morale

La notion d’organe recouvre :

        • un organe de droit, qui peut être collectif ou individuel, englobant tout un ensemble de personnes ou toute personne chargée, par la loi ou les statuts de la personne morale, de son administration, de sa direction ou de son contrôle (gérant, directeur-général, conseil d’administration, directoire, président, assemblée générale, maire, conseil municipal…)
        • ou un dirigeant de fait, c’est-à-dire toute personne exerçant en toute indépendance une activité positive de direction et de gestion de la société.

La notion de représentant recouvre toutes les personnes qui peuvent représenter la personne morale sans en être l’organe statutaire ou légal (le préposé pourvu d’une délégation de pouvoir, le préposé pourvu d’une subdélégation de pouvoirs…), à l’exclusion d’un simple salarié.

2. Infraction commise pour le compte de la personne morale

Il faut s’interroger sur le fait de savoir si l’infraction a été commise dans l’intérêt de la personne morale : il faut ainsi vérifier si l’infraction relève de l’exercice d’activités ayant pour but d’assurer l’organisation, le fonctionnement ou les objectifs de la personne morale.

Il peut ainsi s’agir d’un intérêt économique (obtenir un gain, réaliser une économie, éviter une perte) ou d’un intérêt juridique (lorsque l’infraction participe à son organisation et son fonctionnement).

Les poursuites pénales contre les personnes morales

L’action publique est exercée à l’encontre de la personne morale prise en la personne de son représentant légal à l’époque des poursuites : il va représenter la personne morale à tous les actes de la procédure (article 706-43 du code de procédure pénale).

Le représentant légal de la personne morale peut donc être différent au stade des faits et au stade de la poursuite.

Il est possible d’engager la propre responsabilité du dirigeant de l’époque, s’il a lui-même commis une infraction dans son intérêt, en parallèle de l’intérêt de la personne morale.

La personne morale peut également être représentée par toute personne bénéficiant, conformément à la loi ou à ses statuts, d’une délégation de pouvoir à cet effet.

Le représentant de la personne morale poursuivie ne peut, en cette qualité, faire l’objet d’aucune mesure de contrainte (notamment d’une garde à vue) autre que celle applicable au témoin.

Néanmoins, en pratique, des poursuites sont très souvent engagées également à l’encontre du représentant légal, à titre personnel, qui pourra alors faire l’objet d’une mesure de contrainte telle qu’une garde à vue.

Dans un tel cas de figure, le représentant légal peut demander au tribunal de désigner un mandataire judiciaire pour représenter la personne morale.

Dans le cadre d’une instruction, la personne morale peut, tout comme une personne physique, être placée sous contrôle judiciaire et ainsi être soumise à une ou plusieurs obligations ou interdictions, à savoir :

        • le dépôt d’un cautionnement
        • la constitution, dans un délai, pour une période et un montant déterminés par le juge d’instruction, de sûretés personnelles ou réelles destinées à garantir les droits des victimes
        • l’interdiction d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d’utiliser des cartes de paiement
        • l’interdiction d’exercer certaines activités professionnelles ou sociales lorsque l’infraction a été commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ces activités et lorsqu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise
        • le placement sous contrôle d’un mandataire de justice désigné par le juge d’instruction pour une durée de six mois renouvelable, en ce qui concerne l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise

Les peines encourues par les personnes morales

La personne morale responsable pénalement encourt, à titre de peine principale, une peine d’amende dont le montant est porté au quintuple de la peine d’amende encourue par les personnes physiques. Lorsqu’il s’agit d’un crime pour lequel aucune peine d’amende n’est prévue à l’encontre des personnes physiques, l’amende encourue par les personnes morales est de 1 000 000 euros (article 131-8 du code pénal).

Elle encourt également, lorsque la loi le prévoit, les peines complémentaires prévues à l’article 131-39 du code pénal, à savoir :

        • dans certains cas, la dissolution, sauf s’agissant des personnes morales de droit public, partis ou groupements politiques et syndicats professionnels
        • l’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales
        • le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire, sauf s’agissant des personnes morales de droit public, partis ou groupements politiques et syndicats professionnels
        • la fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés
        • l’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus
        • l’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de procéder à une offre au public de titres financiers ou de faire admettre ses titres financiers aux négociations sur un marché réglementé ;
        • l’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’émettre des chèques
        • la peine de confiscation
        • l’affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique ;
        • l’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus de percevoir toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public.

Le casier judiciaire d’une personne morale

Une personne morale peut avoir un casier judiciaire.

La condamnation d’une personne morale figure dans le casier judiciaire de la personne morale.

Le casier judiciaire des personnes morales n’est composé, contrairement à celui des personnes physiques, que de deux bulletins qui contiennent des informations distinctes : le bulletin n°1 (B1) et le bulletin n°2 (B2).

Cliquez ici pour tout savoir sur le casier judiciaire

          • Le bulletin n°1 du casier judiciaire des personnes morales

Il s’agit du relevé intégral des fiches du casier judiciaire, qui n’est délivré qu’aux autorités judiciaires. Il conserve la mémoire de tous les types de condamnations, à l’exception des condamnations à une amende pour les contraventions des quatre premières classes.

          • Le bulletin n°2 du casier judiciaire des personnes morales

Il contient moins d’informations que le bulletin n°1. Certaines informations figurant au B1 sont exclues du B2.

L’accès au bulletin n°2 du casier judiciaire des personnes morales est réservé :

      • Aux préfets, aux administrations de l’État et aux collectivités locales saisis de propositions ou de soumissions pour des adjudications de travaux ou de marchés publics
      • Aux administrations chargées de l’assainissement des professions agricoles, commerciales, industrielles ou artisanales
      • Aux présidents des tribunaux de commerce en cas de redressement ou de liquidation judiciaires, ainsi qu’aux juges commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés à l’occasion des demandes d’inscription audit registre
      • A l’Autorité des marchés financiers en ce qui concerne les personnes morales demandant l’admission de leurs titres financiers aux négociations sur un marché réglementé
      • Aux autorités compétentes désignées par arrêté du ministre de la justice, lorsque celles-ci reçoivent, en application d’une convention internationale ou d’un acte pris sur le fondement du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une demande de communication des sanctions pénales ou disciplinaires prononcées à l’encontre d’une personne morale, de la part d’une autorité compétente d’un autre Etat partie à ladite convention, d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen chargée d’appliquer des mesures restreignant l’exercice d’une activité, fondées, dans cet Etat, sur l’existence de sanctions pénales ou disciplinaires prononcées à l’encontre de cette personne morale.

Laura Costes avocat à Toulouse spécialisé en droit pénal et effacement de fichiers

Les avocats pénalistes du Cabinet d’Avocats 222 sont à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.

Vous pouvez nous contacter au 05.31.61.37.82.