Garde à vue et dignité

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Le Conseil constitutionnel a jugé qu’une personne gardée à vue pouvait être remise en liberté en cas d’atteinte à sa dignité.

Garde à vue et respect de la dignité

Toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement peut être maintenue, sous le régime de la garde à vue, à la disposition des enquêteurs.

La mesure de garde à vue est décidée par un officier de police judiciaire, et elle s’exécute sous le contrôle d’un magistrat : le procureur de la République ou le juge d’instruction.

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Etant une mesure attentatoire à la liberté individuelle et au principe de la présomption d’innocence, la garde à vue est entourée d’un certain nombre de garanties.

Il est notamment rappelé à l’article préliminaire et à l’article 63-5 du code de procédure pénale :

« La garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne.

Seules peuvent être imposées à la personne gardée à vue les mesures de sécurité strictement nécessaires. »

La question du respect de la dignité au cours de la garde à vue renvoie aux capacités d’accueil et aux conditions matérielles des commissariats et gendarmeries dans lesquels se déroule la mesure de garde à vue.

Dès 2008, à la suite de visites dans plusieurs commissariats, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) concluait : « Les cellules de garde à vue (et aussi de dégrisement) sont les lieux les plus médiocres des locaux administratifs les plus médiocres ».

En 2021, la nouvelle CGPL, Dominique SIMONNOT, regrettait l’absence d’amélioration, constatant, à de rares exceptions près, « une totale indignité des conditions d’accueil dans les locaux de garde à vue et de dégrisement de la police nationale ».

Elle dénonçait des locaux de commissariats inadaptés et sous-dimensionnés (cellules de 5m2 pour six personnes, étroitesse des banquettes, personnes contraintes de se coucher à même le sol…), et des conditions d’hygiène structurellement indignes (« saleté innommable », « odeurs pestilentielles », toilettes hors d’état d’usage, matelas dégradés…).

Elle adressait alors au ministère de l’Intérieur et au ministère de la justice un certain nombre de recommandations.

Alors que le Ministre de l’Intérieur Gérard DARMANIN réfutait le constat de la CGLPL, le garde des sceaux Éric DUPOND-MORETTI estimait que l’autorité judiciaire ne disposait que d’un pouvoir de constat et d’alerte, et que seul le ministère de l’Intérieur était compétent pour la mise en œuvre de mesure de conformité.

Dans sa décision du 6 octobre 2023, le Conseil constitutionnel en a décidé autrement, donnant un rôle actif à l’autorité judiciaire dans la protection de la dignité au cours d’une garde à vue.

Décision du conseil constitutionnel du 6 octobre 2023

L’Association Des Avocats Pénalistes (ADAP) a sollicité du Ministre de la Justice et du Ministre de l’Intérieur de prendre toutes mesures utiles permettant de mettre fin aux atteintes à la dignité, à la vie privée et aux droits de la défense, causées par les conditions matérielles d’accueil dans les locaux de garde à vue et de dégrisement.

En l’absence de réponse, l’association a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soutenant que les dispositions du code de procédure pénale fixant les conditions dans lesquelles sont prises les décisions de placement et de maintien en garde à vue sont contraires à la sauvegarde de la dignité, dès lors que :

      • Il n’est pas prévu qu’une telle décision n’est possible que si les capacités d’accueil et les conditions matérielles au sein des locaux de garde à vue assurent le respect de la dignité des personnes,
      • Il n’est pas prévu que l’administration chargée de l’organisation du service public de la justice puisse faire obstacle à l’exécution d’une telle décision dans des locaux ne permettant pas de garantir le respect du principe de dignité.

Dans sa décision du 6 octobre 2023, le Conseil constitutionnel a tout d’abord rappelé que l’article 63-5 du code de procédure pénale impose que la dignité de la personne gardée à vue soit protégée en toutes circonstances.

Le Conseil constitutionnel a ensuite estimé qu’ « il appartient aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire compétentes de (…) s’assurer que les locaux dans lesquels les personnes sont gardées à vue sont effectivement aménagés et entretenus dans des conditions qui garantissent le respect de ce principe » de dignité.

S’il n’a pas déclarées inconstitutionnelles les dispositions visées par l’ADAP, il a tout de même émis une réserve d’interprétation :

« Toutefois, en cas d’atteinte à la dignité de la personne résultant des conditions de sa garde à vue, les dispositions contestées ne sauraient s’interpréter, sauf à méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, que comme imposant au magistrat compétent de prendre immédiatement toute mesure permettant de mettre fin à cette atteinte ou, si aucune mesure ne le permet, d’ordonner sa remise en liberté. À défaut, la personne gardée à vue dans des conditions indignes peut engager la responsabilité de l’État afin d’obtenir réparation du préjudice en résultant. »

Ainsi, l’autorité judiciaire n’a pas un simple rôle de constat et d’alerte.

Il lui appartient, au cours d’une mesure de garde à vue, de mettre en place des mesures pour faire cesser l’atteinte à la dignité d’une personne gardée à vue et, en cas d’impossibilité, de mettre fin à la mesure et d’ordonner la remise en liberté, conformément à l’article 62-3 du code de procédure pénale :

« Le procureur de la République apprécie si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont nécessaires à l’enquête et proportionnés à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre.

Il assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue.

Il peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté. »

Le rôle de l’avocat pour le respect de la dignité de personne placée en garde à vue

L’avocat a un rôle primordial pour assurer le respect de la dignité de la personne placée en garde à vue.

Il lui appartient, au cours notamment des entretiens confidentiels dont il bénéfice au début de la mesure et lors de la prolongation, de recueillir auprès de son client des informations sur ses conditions de garde à vue.

S’il estime que la dignité de son client placé en garde à vue n’est pas respectée, il pourra, à l’issue des auditions de son client, formuler des observations orales et/ou écrites qui seront jointes à la procédure, et il pourra également adresser directement ses observations à l’autorité judiciaire responsable de la mesure de garde à vue (selon les cas, au procureur de la République ou au juge d’instruction).

Le constat du non respect de la dignité de la personne gardée à vue pourra conduire à la levée de la mesure de garde à vue.

En cas d’inaction du procureur de la République ou du juge d’instruction, les observations de l’avocat pourront être utilisées pour engager la responsabilité de l’État en raison de l’atteinte portée à la dignité de la personne gardée à vue.


Les avocats pénalistes du Cabinet d’Avocats 222 se déplacent 7/7j et 24/24h dans tous les commissariats et les gendarmerie de Toulouse et de ses alentours afin d’assister et de conseiller les personnes qui ont été interpellées et qui sont placées en garde à vue.
Contactez nous au 05.31.61.37.82 et en cas d’urgences (notamment garde à vue en cours) au 07.56.10.71.79.